Les réseaux sociaux frappent à la porte de l’entreprise pour proposer, dit-on, une autre manière de travailler, qu’on nous promet bien meilleure que l’actuelle. Cette promesse laisse cependant dubitatifs ceux qui travaillent depuis des années sur l’amélioration de la performance, notamment autour des processus, et qui ont mis en place des outils très performants, comme les ERP.
Un antagonisme à dépasser
Alors, comme chien et chat, processus et réseaux sociaux se chamaillent sans trop se parler.
Le chien est fidèle. Répétitif, il obéit au doigt et à l’œil. C’est le processus.
Le chat est libre, volage et se pose là où son envie le porte. C’est le réseau social.
Le premier est structurant, mais manque de réactivité et d’invention. Le second est ouvert et porteur d’opportunités, mais sa nature fait qu’on ne peut pas le contrôler totalement. On comprend que ces différences n’aident pas à les rapprocher. Peut-on quand même dépasser cet antagonisme ?
Avant le process
Alors que l’entreprise semblait comblée par les approches des logiciels de type processus, les réseaux sociaux ont quand même fait leur apparition. D’une part, ils correspondent à un usage dans le grand public qui a démontré sa force et l’effet de levier qu’il peut apporter. D’autre part, ils sont présents au moment où le process est en limite de capacité, comme c’est le cas au début de toute activité.
Dans une entreprise, on sait bien que la manière dont les clients et les partenaires vont se comporter ne sera découverte qu’au moment de la commercialisation du bien ou du service. Aussi, au démarrage d’une activité, les processus trop lourds n’ont pas leur place, car ils ne sont pas prévisibles. La problématique est la même quand une activité est éphémère ou qu’elle ne concerne que peu de personnes. Sans compter que la mise en place d’un système d’information tentant de matérialiser un processus non modélisable aboutit nécessairement à une impasse.
Voilà une première place pour le réseau social : avant la mise en place d’un processus. Un réseau social d’entreprise, adaptatif, souple et laissé à la force de chacun est préférable. D’ailleurs c’est ce qui se passe au quotidien dans l’outil hors process numérique par excellence : l'e-mail. Faites l’expérience par vous-même. Comptez donc le nombre de courriels dans lesquels vous demandez à quelqu’un d’effectuer une tâche précise : relire un document, compléter une information, appeler quelqu’un, etc…
Vous êtes dans le process « mou », qui peut avantageusement basculer dans le réseau social d’entreprise. Il sera ainsi suivi, élargi à une équipe, persistant voire indexé par un moteur de recherche. En bref, la productivité sera au rendez-vous sur ces microtâches.
Pendant le process
Ensuite, dans le cas ou l’activité se structure, les volumes de tâches apparaissent et la régularité des actions également. Il est temps de passer à une phase plus structurée pour garantir la réplication du modèle, et donc de choisir l’application métier qui va déployer le process tout au long de la chaîne. C’est la phase de maturité. On peut mettre dans des formulaires, des boîtes à cocher et des workflows l’intégralité de l’activité. Les ERP (livraison, production, gestion client, facturation, etc.) en sont de bons exemples. C’est la phase qu’on vient de vivre dans ces dix dernières années, notamment au sein des grands comptes, et qui se poursuit dans les PME.
Mais, petit à petit, le nirvana devient un petit enfer et les problèmes surgissent. Les cas particuliers s’enchaînent. Des contre-exemples aux modèles en place apparaissent. Un concurrent se met à faire autrement. Une évolution du business model est alors nécessaire et c’est tout le processus qui vacille. Pourtant, sans le système qui le fait marcher, comment garantir que tout s’est bien exécuté ? Comment s’assurer que le client sera livré et facturé ?
Après le process
C’est l’après process… Le moment où il faut injecter de l’humain dans ce modèle hyperstructuré pour dépasser les contraintes, imaginer des solutions, trouver des astuces, résoudre localement les problèmes des clients, s’arranger avec un partenaire… Si l’employé n’est confronté qu’à un formulaire qui attend une valeur figée, il ne pourra rien faire. Mais s’il a à sa disposition un réseau social d’entreprise couplé au système de gestion du processus, il demandera de l’aide à un collaborateur ou à un partenaire, voire son avis au client. C’est dans l’interactivité et l’intelligence que la solution apparaît et non pas dans le manuel de l’ERP, car il s’agit justement de dépasser ce dernier lorsqu’il atteint ses limites.
Un couple difficile à faire cohabiter
Faire cohabiter un chien et un chat au sein d’une même maison n’est pas de tout repos. Il faut expliquer à chacun où s’arrête le territoire de l’autre. Et que chacun reconnaisse les valeurs de l’autre : au process, la sécurité de la bonne fin et de l’optimisation de l’objectif ; au réseau social d’entreprise, la réactivité et la réponse humaine aux problèmes sous la forme de solutions. C’est d’ailleurs aux DSI que revient cette difficile tâche de réconciliation de deux univers aujourd’hui trop clivés. Leurs armes s’appellent des standards (Activitystreams, Opensocial, LDAP, etc.). Il suffit de s’en servir !